Content warning : Sans faire de récits détaillés, cette brochure contient des mentions d’agression sexuelle, de viol, de violence et de harcèlement.

 

 

Cette brochure reflète l’état de ma réflexion au moment où j’en termine la rédaction, en mai 2020.

Il m’a fallu plusieurs mois pour l’écrire, plusieurs mois pendant lesquelles cette réflexion a continué à évoluer et à s’affiner, en grande partie grâce aux nombreux et passionnants échanges que j’ai pu avoir avec un certain nombre de personnes, qui se reconnaîtront et que je remercie d’avoir pris le temps de lire et relire, de me faire part de leurs observations et critiques, de me partager de la documentation…

Mon positionnement n’est toujours pas figé aujourd’hui. Je conçois ce texte comme une base pour susciter des échanges, des discussions, élargir encore la réflexion, et je l’espère, permettre une évolution des regards et les pratiques vis à vis des situations de violences sexuelles.

 

Introduction

 

Il y a près de 2 ans, un ami proche (homme, cis, hétéro), que j’appellerai Martin dans cette brochure, a été accusé par une femme de l’avoir violée à une période où il et elle étaient en relation. Cette accusation n’a pas été portée devant la justice, mais a été dévoilée auprès des milieux militants que nous fréquentions.

J’écris cette brochure pour raconter pourquoi, et de quelle manière, j’ai été amenée à accompagner cet homme dans sa réflexion pour déconstruire ses postures dominantes et tendre vers une vie affective et sexuelle respectueuse et égalitaire.

Il ne s’agit pas d’une méthodologie « clef en main » et je ne me revendique pas experte sur le sujet. Mais il me semble important de partager mes questionnements, les solutions que nous avons adopté et l’analyse que je tire de cette expérience. J’espère que ce document pourra nourrir la réflexion d’autres personnes, qui soit se questionnent sur l’opportunité d’une telle démarche, soit envisagent ou sont en train de mener une démarche similaire, que ce soit en tant qu’agresseur ou comme accompagnant-e.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à indiquer que j’ai le souci, en rédigeant ce texte, de ne blesser ou heurter personne. Je pense en particulier à des personnes qui auraient été victimes de violences sexuelles.

Ma légitimité à écrire ce texte ne me vient que de cette unique expérience d’accompagnement, et de l’analyse que je fais des documents qui ont nourri ma réflexion à cette occasion. J’ai conscience que de ce fait, il peut paraître très centré sur l’auteur de viol, et donner l’impression de ne pas prendre en considération les besoins et le vécu de la victime.

Je tiens à rappeler que pour moi, la première des priorités, lorsqu’une violence sexuelle est révélée, est de respecter la parole de la victime et tenir compte au plus près possible de ses besoins. (pour préciser mon positionnement sur cette question, je mets en annexe un texte que j’ai pu écrire à une autre occasion, intitulé « La non-remise en question de la parole de la victime, un positionnement politique indispensable »)

Dans ce cas précis, je n’ai pas été en contact avec la victime, et n’ai pas joué de rôle particulier auprès d’elle, de sorte que je ne pense pas avoir grand-chose à apporter à la réflexion sur ces questions. D’autres en parlent beaucoup mieux que moi.

Voir par exemple :

⇒ Brochure Combien de fois quatre ans

Un podcast à soi – Justice pour toutes

Sexe sans consentement (docu Infrarouge)

 

Il me semble important avant de commencer, d’expliciter les éléments qui vous permettront d’apprécier d’où je parle, puisque mon propos est inévitablement subjectif :

A l’époque, Martin était (notamment) membre de deux collectifs : l’asso dont je faisais également partie, et un autre collectif. L’accusation de viol a été dévoilée auprès de ce second collectif dont je ne faisais pas partie. Ce collectif en a informé Martin qui a immédiatement fait savoir qu’il ne remettrait pas en cause la parole de la victime, même si lui n’avait pas perçu au moment des faits qu’il était passé outre son consentement, et qu’il se retirait du milieu militant. Notre asso a été informée de ces éléments par un e-mail de ce collectif. Nous n’avions pas de contact direct avec la victime, dont nous ignorions l’identité.

Nous avons alors dû, dans mon asso, réfléchir à la réponse à y apporter. Les discussions se sont essentiellement orientées autours de l’exclusion de Martin, et des modalités pratiques pour permettre de s’assurer qu’il ne fréquenterait plus notre milieu, sans qu’au final aucune décision claire ne soit prise. Nous avons aussi initié quelques réflexions sur la responsabilité collective que nous pouvions porter, qui n’ont pas vraiment abouti non plus.

Le fait de ne pas envisager de proposer à Martin un espace qui lui permettrait de questionner ses comportements ne me satisfaisait pas et j’ai vainement tenté d’amener la réflexion vers d’autres propositions.

C’était la première fois dans mon asso que nous avions à gérer une telle situation L’autre collectif, celui auprès duquel les faits ont été dévoilés initialement, semblait, d’après les informations dont nous disposions, avoir une réflexion plus avancée et envisager l’accompagnement de la victime comme de l’agresseur. En réalité, aucune proposition de travail de réflexion n’a été faite à Martin par ce collectif.

A l’époque, mon positionnement n’était pas clairement construit idéologiquement. C’est à l’occasion de ces discussions, et parce que j’ai décidé de palier seule, auprès de Martin, à ce manque de solution d’accompagnement, que j’ai pu mener la réflexion que je vais essayer d’exposer dans cette brochure.

Je vais d’abord exposer les raisons pour lesquelles la solution de la mise à l’écart « sèche » ne me convient pas (Partie 1), pour ensuite amener la réflexion sur d’autres manières envisageables de répondre aux violences sexuelles, et expliciter la manière dont Martin et moi nous y sommes pris concrètement (Partie 2).

 

Partie 1 : Pourquoi je pense que la seule mise à l'écart n'est pas une solution pertinente >>